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Certificateur PEB résidentiel et évaluateur à Bruxelles : deux activités complémentaires

En Belgique, la politique énergétique est régionalisée : la procédure de certification PEB est donc complètement différente en Flandre, à Bruxelles[1] et en Wallonie.

Non seulement les catégories (de A à G) ne sont pas les mêmes mais la procédure et la manière de calculer diffèrent également. Il est donc impossible de comparer un certificat des trois régions, ce qui est un comble pour l’application d’une directive européenne !

[1] Brussels is a city-region (the ‘Brussels Capital Region’) de 161 km2 et de 1,2 millions d’habitants. C’est la seule ville d’Europe qui a son propre système de certification PEB.

Cela pose un problème de transparence pour les candidats locataires ou acheteurs à Bruxelles et environ, puisque la Région Flamande et la Région Wallonne sont toutes proches et un candidat pourrait s’intéresser à des biens situés sur les trois régions.

Comme la catégorie D doit correspondre à la moyenne de la région, elle correspond aux consommations théoriques suivantes suivant la région:

  • Bruxelles : 151 à 210 kWh/m2.an
  • Wallonie : 255 à 340 kWh/m2.an
  • Flandre : 301 à 400 kWh/m2.an

 

La règlementation est beaucoup plus sévère à Bruxelles car c’est une ville qui comprend une majorité d’appartements ou de maisons mitoyennes comportant moins de parois de déperdition que les plus nombreuses villas de Flandre et de Wallonie. La moyenne est donc théoriquement meilleure, même si ces chiffres ont été fixés avant que les premiers certificats ne soient établis.

Si, au moins, les procédures de calcul étaient semblables, on pourrait comparer les consommations, même avec une lettre différente, mais ce n’est pas du tout le cas. Il est impossible de comparer les certificats des trois régions. Un exemple de surréalisme à la Belge !

Imaginons un candidat acheteur qui cherche une villa dans la banlieue Sud de Bruxelles et trouve trois biens à vendre, dans un rayon de 5 km, situés à Uccle (Région de Bruxelles Capitale), à Sint-Genesius-Rode (en Flandres) et à Waterloo (en Wallonie) :

Même si ces trois villas sont de construction semblable, il est impossible de comparer leur certificat PEB et donc leur performance énergétique. La consommation théorique des biens a été calculée suivant trois méthodes complétement différentes, ce qui rend toute comparaison impossible.

Étant certificateur uniquement en Région de Bruxelles-Capitale, je ne vous ferai part que de mon expérience de certificateur résidentiel à Bruxelles. En plus de la certification résidentielle (tous les logements, maisons et appartements existants), il y a des procédures tout à fait différentes pour le secteur tertiaire (bureaux de plus de 500 m2) et pour les bâtiments publics pour lesquelles je ne suis pas compétent. La procédure est également tout à fait indépendante pour les travaux de construction et de rénovation (PEB travaux). Dans ce cas, c’est un conseiller PEB qui effectue les formalités et la formation, que je n’ai pas suivie, est différente de celle du certificateur PEB.

J’ai suivi une première formation de certificateur PEB résidentiel en 2011, dès la mise en place de la politique de certification à Bruxelles. Cette formation était organisée par l’UGEB-ULEB[2] qui a été reconnue comme organisme formateur après constitution d’un dossier et réussite d’un examen pour les formateurs. Les Géomètres-Experts étaient conscients de l’importance de l’enjeu climatique et de l’atout supplémentaire que représentait la certification énergétique parmi leurs activités.

A l’époque, aucun diplôme n’était exigé pour devenir certificateur : il fallait suivre la formation de 40 heures et passer un examen. Depuis lors, la législation a évolué, notamment à la suite d’abus : certains certificateurs ne visitaient même pas le bien …

Actuellement, il faut un diplôme d’architecte ou d’ingénieur (ou justifier une expérience professionnelle dans un domaine traitant des aspects énergétiques des bâtiments) et suivre une formation de préparation à un examen centralisé.

Tous les certificateurs ont dû suivre une formation de recyclage et passer cet examen centralisé assez exigeant en 2019 (avec un taux de réussite de 34%). Il y a actuellement 224 certificateurs résidentiels agréés à Bruxelles, alors qu’il y en avait 1247 en 2018.

Le certificateur doit encoder les surfaces planchers et le volume du Volume Protégé[3], toutes les surfaces de déperdition (toitures, façades, murs vers des espaces non chauffés, planchers, châssis de fenêtres, portes, …) avec leurs paramètres d’isolation. Toutes les caractéristiques des installations de chauffage et de production d’eau chaude sanitaires sont encodées également ainsi que les éventuels systèmes de refroidissements, les panneaux solaires, …

Le logiciel[4] génère automatiquement le certificat avec la consommation théorique et les conseils d’amélioration, ainsi qu’un rapport d’encodage reprenant toutes les données. Le client peut donc vérifier toutes les données encodées. Le certificateur n’a aucune influence sur le contenu du certificat (sauf bien entendu sur les donnes encodées).

Il y a beaucoup de travail pour les certificateurs. Si certains grands bureaux pratiquent des prix beaucoup trop bas pour pouvoir réaliser un travail de qualité, heureusement, certains clients sont prêts à payer le prix d’un travail soigné par un certificateur qui prend le temps de les conseiller efficacement. Ce conseil va bien au-delà des conseils généraux générés par le logiciel. Par exemple, pour l’isolation des façades, le certificateur peut examiner quelles sont les façades les plus faciles à isoler, comment le faire, par l’intérieur ou par l’extérieur. Pour la ventilation, le logiciel indique par exemple toujours le gain apporté par une installation de ventilation mécanique contrôlée avec récupération de chaleur mais dans la plupart des anciennes maisons, c’est impossible à réaliser. Le certificateur va déterminer les améliorations présentant le meilleur rapport qualité/prix : ce qui améliore le mieux la performance pour le meilleur budget, en tenant compte de la difficulté de réalisation de certains travaux et d’éventuelles contraintes externes, comme la nécessité d’obtenir l’accord d’un voisin ou de la copropriété.

Auparavant, les clients considéraient le certificat comme une formalité pour pouvoir vendre ou louer. Actuellement, la plupart sont conscients de l’importance du certificat d’autant plus qu’il doit être produit au moment de la mise en vente ou en location et qu’il y a de plus en plus de contrôles. Les agents immobiliers ont généralement pris l’habitude d’exiger le certificat avant la commercialisation. Les clients veulent des conseils pour améliorer la performance car ils savent qu’ils seront obligés de réaliser des travaux d’amélioration dans un avenir proche. La performance énergétique a de plus en plus d’influence sur la valeur du bien.

En 2022, une ordonnance de la Région a imposé la production d’un certificat PEB de lettre D ou supérieure pour pouvoir indexer les loyers des logements à Bruxelles. Avec la lettre E, il était possible d’indexer à 50%. Comme l’indexation était de 12% cette année-là, cette mesure a eu beaucoup d’effet : de nombreux propriétaires ont voulu améliorer la performance énergétique de leur bien et cela a entrainé un surplus de travail pour les certificateurs. Cette mesure transitoire d’un an n’a pas été reconduite en 2023 mais l’indexation pour l’année 2023 dépend toujours du résultat du certificat.

Les banques font aussi varier les conditions d’obtention des prêts hypothécaires en fonction du résultat du certificat PEB.

Les clients apprécient le fait qu’un évaluateur soit également certificateur PEB pour plusieurs raisons :

  • Il a des compétences pour juger de la performance énergétique du bien à évaluer et, même si un certificat PEB existe, il peut donner des conseils précis sur la manière d’améliorer la performance énergétique. Il m’arrive régulièrement de trouver des erreurs flagrantes dans un certificat existant, même sans tout vérifier, par exemple au niveau de la surface plancher. Il arrive aussi que le certificateur n’ait pas reçu ou pas cherché les preuves d’isolation. Dans ce cas, il encode les valeurs par défaut qui sont fort défavorables. Je peux parfois obtenir des renseignements sur l’isolation ou voir par moi-même des isolants qui améliorent le résultat.
  • Il peut réaliser le certificat PEB en même temps que l’évaluation (pour des biens qui vont être mis en vente par exemple).
  • Vu l’importance croissante de la performance énergétique, l’influence sur la valeur du bien est de plus en plus importante. Pouvoir juger précisément des possibilités d’améliorations et des coûts qui en résultent est un atout pour l’évaluateur.

La réalisation d’un certificat pour un appartement moyen demande généralement une petite heure de travail sur place et une à deux heures de calcul et d’encodage. Pour une grande villa aux toitures complexes, ce temps peut être multiplié par trois ou quatre. Il faut donc remettre un prix pour chaque bien, en fonction de la complexité des surfaces de déperdition et pour les appartements, en fonction du système de chauffage, surtout s’il est commun pour tout l’immeuble (auquel cas il faut visiter la chaufferie commune et obtenir tous les renseignements relatifs au chauffage et à la production d’eau chaude sanitaire : caractéristiques des producteurs, nombre de logements, longueur des canalisations et nombre d’accessoires non isolés etc.)

Il faut aussi du temps pour rassembler les preuves nécessaires et certains certificats restent longtemps en attente. En effet, chaque donnée doit être accompagnée d’une preuve datée. Par exemple, si une paroi est isolée, il faudra encoder la preuve datée reprenant le type d’isolant et son épaisseur : facture, devis signé, cahier des charges …

Actuellement, la réalisation de certificat PEB représente environ un tiers de mon activité et je fixe mes honoraires au même niveau que celui des évaluations. Au niveau strict du montant des honoraires je ne suis pas concurrentiel mais certains clients sont prêts à rémunérer convenablement un certificateur qui prend le temps d’aller au fond des choses et, surtout, qui donne des conseils judicieux d’amélioration. Tant que le certificat n’est pas déposé officiellement, les données peuvent en effet être modifiées afin de réaliser des simulations. Il est donc possible d’indiquer au client le gain exact pour chaque amélioration proposée.

Dans un avenir proche, la demande va fortement augmenter car il est prévu qu’un certificat soit obligatoire pour tous les biens résidentiels à Bruxelles (même s’ils ne sont ni vendus ni loués), normalement à partir de 2026.

De plus, les travaux de rénovation deviendront obligatoires avec des conseils d’amélioration dans le certificat à réaliser tous les 5 ans pour arriver à une consommation théorique de 100 kWh/m2.an en 2050. C’est un objectif très ambitieux et impossible à atteindre pour certains biens : dans ce cas, il faudra effectuer les travaux d’amélioration prescrits sans arriver à ce résultat. D’importantes primes sont prévues pour aider les citoyens à réaliser les travaux. L’ordonnance imposant toutes ces mesures doit encore être votée.

Il est également prévu d’harmoniser les différentes procédures : certificat résidentiel, tertiaire et bâtiment public, PEB travaux etc., avec la création d’un statut d’Expert PEB qui pourrait effectuer toutes les démarches PEB. Une nouvelle formation sera organisée pour accéder à ce statut d’Expert PEB.

Personnellement, je devrai faire un choix : soit m’engager dans cette voie d’avenir et limiter mes autres activités, soit abandonner la certification énergétique tout en utilisant mes compétences dans ce domaine pour mes autres activités, notamment l’évaluation. Choix difficile …

Eric De Keghel

Géomètre-Expert

Président de la commission CMI de L’UGEB

 

 

 

 

 

 

[1] Bruxelles est une Ville-region (the ‘Brussels Capital Region’) de 161 km2 et de 1,2 millions d’habitants. C’est la seule ville d’Europe qui a son propre système de certification PEB.

[2] Ndlr: Union des Géomètres-Experts de Bruxelles (TEGOVA member association of which the author is a member).

[3] Le Volume Protégé est le volume pris en considération pour calculer le certificat : c’est l’enveloppe extérieure du bâtiment (ou du moins les parties habitées et chauffées). Il y a tout un protocole pour déterminer le Volume Protégé car certaines parties du bâtiment peuvent en être exclues, comme les caves ou greniers non isolés par exemple.

[4] Chaque région a créé son logiciel de calcul qui produit les certificats sur base de données encodées par le certificateur. Le certificateur peut seulement entrer les données et le logiciel fait tout le reste. C’est un algorithme qui a été conçu suivant les priorités choisies par chaque région. Il y a de nombreuses simplifications pour faciliter l’encodage, par exemple pour les types de murs.

 

Article repris et publié au European Valuer Journal n°32 de Tegova 

 

Union des Géomètres-Experts de Bruxelles

L’Union des Géomètres-Experts de Bruxelles (UGEB) est une organisation professionnelle représentant les géomètres-experts de la région de Bruxelles, en Belgique. Fondée dans le but de promouvoir et de défendre les intérêts des géomètres-experts de Bruxelles, l’UGEB joue un rôle essentiel dans la profession en veillant à la qualité des prestations des géomètres-experts et en favorisant leur développement professionnel.

L’UGEB offre un forum d’échange et de collaboration pour les géomètres-experts de la région de Bruxelles, leur permettant de partager leurs connaissances, leurs expériences et leurs bonnes pratiques. L’organisation organise régulièrement des réunions, des séminaires et des formations afin de maintenir ses membres informés des dernières évolutions techniques, législatives et réglementaires dans le domaine de la géomatique et de la topographie.

En tant qu’organisation professionnelle, l’UGEB joue également un rôle de représentation auprès des autorités publiques et des instances professionnelles. Elle défend les intérêts des géomètres-experts de Bruxelles en participant à l’élaboration de réglementations et de normes professionnelles, et en veillant à ce que les géomètres-experts soient reconnus et respectés en tant que professionnels compétents et fiables.

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